Endorion et les forces de la Nature

(Intro)
L’aurore vient de se lever et le ciel de Pandala prend des teintes orangées. Dans la fraîcheur du matin, un enfant vient de naître : Endorion. Un enfant qui ne sait pas ce qui l’attend. Un enfant dont la destinée est intimement liée à la nôtre, puisque c’est lui qui devra tous nous sauver…

Quinze années plus tard…
Le soleil irradie l’intérieur des maisons, qui s’ornent de reflets chatoyants. La chaleur donne l’impression que tout fourmille de vie. Des forêts de bambous qui entourent la ville se dégage une beauté splendide. Un spectacle propice à la rêverie d’Endorion qui, de son balcon de bambous tressés contemple ce merveilleux paysage. Depuis quinze ans qu’il est né, il n’a jamais trouvé un endroit où la terre n’était pas fertile. Après toutes ces années, la terre de Pandala semble toujours aussi débordante de vie qu’à la seconde même ou Pandawa, la déesse des Pandawa, l’avait créé.

La famille d’Endorion est pauvre, ses parents sont partis de rien. Depuis 12 lustres, ils habitent cette maison qu’ils ont achetée pour un prix convenable, et qui leur offre un confort suffisant. Construite de bambous attachés par de l'écorce de Bamboutou, elle est située sur une petite colline qui surplombe la ville. Au rez-de-chaussée, une table en bambou blanc et une plante aromatique. Au premier étage, un lit deux places et deux paillasses qui leur font face. Il n’y a pas d'eau courante dans la maison, et tous les matins, Endorion doit aller puiser l’eau dans la rivière à l’autre bout de la forêt. Le voilà qui part, un récipient à la main. Le parcours est un peu long, mais si souvent riche en rencontres de toutes sortes ! Alors qu'il marche, un bruit sort Endorion de sa rêverie....

Episode 1
Endorion sort de sa rêverie, tandis qu'un oiseau s'envole bruyamment des branches de bambous doucement agitées par le vent. Il ressent alors si fortement l’appel de la nature, qu’il donnerait tout pour aller courir et jouer sous les arbres qui couvrent la colline. Mais il a une promesse à tenir. En effet, voilà un peu plus d’un mois, il s’est engagé au cours d’une curieuse rencontre, à accomplir une tâche qui lui a paru à la limite de ses possibilités.

C’est pourquoi il lui faut se lever. Le voilà qui s’étire avec énergie pour se mettre en condition. Déjà, il se met en tête le parcours qu’il va suivre pour se rendre rapidement sur le lieu du rendez-vous.

Il presse le pas. En trois bonds, il traverse la rivière en sautant sur les pierres que son père a placées là bien des années plus tôt. Puis Endorion s’enfonce dans la végétation d’un air décidé. Après un long parcours dans la forêt, il arrive, essoufflé, à sa destination. Face à lui, deux arbres colossaux et pluri centenaires se dressent vers le ciel et emmêlent leurs branches en un porche noueux et majestueux. Il reconnait ce qui lui a été décrit : c’est bien là !

Endorion reprend son souffle, et cherche à s’apaiser. Non pas qu’il ait peur, l’inconnu du mois passé ne l’effraye pas. Mais il s’interroge sur ce qu’il va bien pouvoir découvrir au cours de ce mystérieux rendez-vous. Aussi prend-il une bonne inspiration avant de s’engager sous le porche luxuriant formé par les deux arbres érigés là en gardiens. Il compte deux pas. Ça y est ! Il a pénétré dans ce qui lui semble être un sanctuaire.

(à suivre...)

Episode 2 (suite)
Autour de lui, la végétation forme un écrin de verdure qui filtre la lumière. La pénombre lui permet à peine de distinguer d’autres troncs d’arbres immenses qui délimitent le cercle du temple. Il lui faut patienter un peu pour laisser sa vue s’habituer à la demi obscurité. Maintenant, il peut entreprendre de scruter, tronc après tronc, la trace de celui qui lui a proposé le rendez-vous ici même. Il ne l’aperçoit pas. Même au fond du sanctuaire, là où il s’attendait à reconnaître sa silhouette qui aurait pu lui faire face, il ne distingue rien. Non, décidément, l’inconnu n’est pas là !

Endorion se souvient alors des instructions que lui a transmises l’inconnu. Il les a déjà mises à profit chaque jour du mois écoulé. Aujourd’hui, il va une fois encore reproduire ce qui est devenu pour lui un rituel déjà presque familier.
Un rituel qu’il prend d’ailleurs plaisir à pratiquer, car il se sent à chaque nouvelle session aller de plus en plus loin. Il a même été surpris des progrès accomplis en un seul mois.
Il a déjà acquis une telle maîtrise de son imaginaire qu’il a désormais l’impression de le mener comme on dirige un cheval, du bout des doigts, tout en complicité et avec beaucoup de souplesse. Et, une fois enfourché son imaginaire, ce dernier lui fait vivre des expériences bien réelles, en écho au dialogue qu’il sait instaurer avec lui.

En ce moment même, il sent que c’est cet état particulier que l’inconnu attend de lui.

Alors qu’Endorion se trouve baigné dans une ambiance qui rend si proche toute vie présente autour de lui, il s’assit à même le sol au centre du cercle formé par les arbres vénérables. Puis, selon la pratique recommandée, il laisse ses paupières se fermer pour mieux se mettre à l’écoute de lui-même. Il prend conscience de son propre corps. Il ressent la totalité de son être. Et bien plus encore. Il perçoit la vie et la conscience dans chacune de ses cellules. Lui, Endorion, se trouve à la tête d'un microcosme de milliards de cellules, qui vivent en accord avec lui et pour lui !
Sa respiration ralentit et son corps se détend encore plus. Peu à peu, une sensation de chaleur l’envahit et une paix bienfaisante s’installe. Il pense à la Terre. Cette Planète qui le porte et l’accueille ici même, dans ses odeurs d’humus, de feuilles et de champignon qui intriguent ses narines. Il pense qu’en dessous de sa surface, Elle devient minérale et cristalline, et que, plus loin dans Ses profondeurs, Elle recèle un feu d’une énergie considérable.

En pleine conscience de cette énergie, Endorion fait croître ses racines. Il les imagine qui prolongent ses pieds et plongent de plus en plus solidement dans le sol. Ses racines sont harmonieuses, solides, et les voilà qui investissent le centre de la Terre. Elles puisent pour lui l'énergie de la Terre avec Laquelle il ne fait plus qu’un.
Endorion se met à penser à cette énergie et à l'appeler. Il la sent monter petit à petit dans ses racines et commencer à le pénétrer par les pieds.  Puis elle se propage doucement jusqu’à sa poitrine où elle rayonne d’une paisible chaleur. Heureux, détendu, Endorion s'accorde un peu de temps pour prolonger ce moment de plénitude.

...

L’énergie terrestre a progressivement investi de sa couleur noire tout le corps d'Endorion.

Dès ce moment, ce dernier pense au Ciel. Il visualise le Soleil, la Lune, les étoiles... Tous ces astres qui brillent dans le firmament. Cela lui suffit pour provoquer la pousse de ses branches célestes, des branches qui sortent du haut de sa tête, traversent l’azur, et vont s'enrouler autour du Soleil. Elles étreignent le soleil comme on enserre un être cher, avec bonheur et respect. Dès ce moment, Endorion voit l’énergie solaire emprunter ses branches pour descendre vers sa tête. C'est une énergie blanche, vivifiante, qui pénètre doucement par le haut de son crâne. Elle diffuse dans le cerveau droit, dans le cerveau gauche, puis la gorge. Enfin, elle inonde toute sa poitrine.


Endorion marque une pause. Il centre son attention sur sa poitrine, pour bien sentir l’énergie céleste, resplendissante. Elle ravive tous ses organes, toutes les cellules du haut de son corps. Il la sent, il la ressent. Il la vit. Et maintenant, il la visualise en train de fusionner avec l’énergie noire de la Terre. Toutes deux unies en un courant bienfaisant, de noir et de blanc mêlé.
En ce moment même, Endorion ne fait plus qu’un avec l'énergie. Il ne fait plus qu'un avec l’Univers tout entier. Il se sent traversé par ces deux flux d’énergie qui  circulent en lui et convergent à travers tout son corps. Il se trouve très détendu, presque somnolent, et en même temps très sensible et réceptif à tout son environnement. Un état qu’il connaît bien désormais. En effet, grâce à ses pratiques, il sait désormais reproduire cet état particulier chaque jour, à volonté, en y prenant de plus en plus de plaisir.

Mais aujourd’hui, pour ce rendez-vous, il croit dur comme fer que l'aventure ne s’arrêtera pas là.
Patient, il attend.

Rien ne presse, il sait bien que chaque chose va venir en son heure !

C’est alors que des images lui apparaissent spontanément et commencent à prendre forme devant ses yeux. Sur cet écran inattendu, s’animent d’abord des couleurs, puis des formes en mouvement. Les taches colorées se multiplient, passent du violet au jaune, et finalement la couleur jaune emplit tout son champ de vision.

Soudain, en moins d'une fraction de seconde, Elle s'impose à lui. Bousculant tout le jaune qui s'est aussitôt dissipé dans un vaste mouvement de spirale, Elle lui fait face. Elle lui apparaît grande, couleur de peau verte, sur fond noir. C’est Elle, c'est bien celle qu’il a croisée un mois plus tôt.

D’un signe, Elle l’invite à lui donner la main.
Il se voit alors, Elle et lui, main dans la main, s’asseoir côte à côte sous le plus grand teck de la forêt. Cette fois, il n’a plus de doute, il l’a reconnue, cette mystérieuse Entité du mois dernier ! Elle ressemble aux fresques de la maison du sorcier qui lui sont si familières. Endorion a du mal à y croire, mais c’est vraiment Elle, c’est Pandawa !

Il n’a pas le temps de se remettre de sa surprise que, sans lui accorder une seconde de plus, Pandawa l’entraîne dans son voyage virtuel. Bien que toujours fermement enraciné sous les arbres, Endorion reste dans le sillage de Pandawa alors qu’Elle parcoure le ciel dans un tourbillon vertigineux. Ils survolent maintenant tous deux les terres de ses jeunes années.